Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 85

  • Prendre de vitesse

    « n°329 : Loisir et oisiveté.

    Il y a une sauvagerie à l'indienne, propre au sang indien, dans la manière dont les Américains courent après l'or : et leur course effrénée au travail – le vice propre au Nouveau Monde – commence déjà, par contagion, à rendre la vieille Europe sauvage et à répandre sur elle une absence d'esprit absolument stupéfiante.

    On a déjà honte, aujourd'hui, du repos ; la méditation prolongée provoque presque des remords. On pense la montre à la main, comme on déjeune, le regard rivé au bulletin de la Bourse, – on vit comme un homme qui constamment ''pourrait rater'' quelque chose. ''Faire n'importe quoi plutôt que rien'' – ce principe aussi est une corde qui permet de faire passer de vie à trépas toute éducation et tout goût supérieur. (…)

    On n'a plus de temps ni de force pour les cérémonies, pour les détours dans l'obligeance, pour l'esprit dans la conversation et pour tout otium en général. Car vivre à la chasse au profit contraint continuellement à dépenser son esprit jusqu'à épuisement à force de constamment dissimuler, donner le change et prendre de vitesse : la véritable vertu est aujourd'hui de faire quelque chose en moins de temps qu'autrui.

    Et ainsi il n'y a que bien peu d'heures où l'on se permet la probité. »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    Sauvagerie à l'indienne : faut-il se saisir d'un étendard woke et courir sus ce grand vilain raciste de Nietzsche ? Il est évident au contraire qu'on est dans le second degré.

    La mention de la recherche de l'or et du profit amène un retournement ironique, à la façon du chapitre des Cannibales dans les Essais (I,31).

     

    Et pour le reste on ne peut qu'admirer la lucidité à discerner et caractériser ce mode de vie absurdement concurrentiel, qui désormais, Américains, Européens, Indiens et tous tant que nous sommes, nous imprègne, nous conforme, plus que nous ne croyons ou voulons.

    Un homme qui constamment ''pourrait rater'' quelque chose, cela évoque furieusement le FoMo (fear of missing out), un des nombreux comportements névrotiques induits par les résasociaux ...  

    Un passage d'une bien réjouissante férocité, mais qui nous laisse cependant, avec la dernière phrase en forme de couperet, sur une considération nettement plus amère.

     

  • Et gaiement rire

    « n°324 : In media vita.

    Non ! La vie ne m'a pas déçu ! Année après année, je la trouve au contraire plus vraie, plus désirable et plus mystérieuse, – depuis ce jour où la grande libératrice est descendue sur moi, cette pensée que la vie pourrait être une expérimentation de l'homme de connaissance – et non un devoir, non une fatalité, non une tromperie !

    – Et la connaissance elle-même : elle peut bien être pour d'autres quelque chose d'autre, par exemple un lit offrant le repos, ou le chemin menant à un lit offrant le repos, ou un divertissement, ou une oisiveté, – pour moi, elle est un monde de dangers et de victoires dans lequel les sentiments héroïques aussi ont leurs lieux où danser et s'ébattre.

    ''La vie, moyen de connaissance'' – avec ce principe au cœur, on peut non seulement vaillamment, mais même gaiement vivre et gaiement rire ! Et qui s'entendrait à bien rire et vivre en général, s'il ne s'entendait tout d'abord à la guerre et à la victoire , »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    Voilà un passage dont je tirerais bien un test : quel philosophe êtes-vous ?

     

    Q1. Pour vous la vie est :

    a)vraie, désirable, mystérieuse

    b)un devoir, une fatalité, une tromperie

    c)une expérience

     

    Q2. Pour vous la connaissance est :

    a)un lit de repos, un divertissement, une oisiveté

    b)un monde de dangers et de victoires

     

    Maintenant découvrez votre profil. Si vous avez coché :

    Q1b. Q2b : vous êtes plutôt Schopenhauer. Votre lucidité vous porte souvent au désespoir. Mon conseil : adoptez un porc-épic pour meubler votre solitude.

     

    Q1abc Q2 b : vous êtes plutôt Nietzsche. Hypersensible, surdoué, volontaire, vous vous sentez responsable de trop de choses. Mon conseil : prenez des vacances au bord de la mer.

     

    Q1 ac. Q2 a : vous êtes plutôt Montaigne. Mon conseil : restez vous-même.

     

  • Regardons ailleurs

    « n°321 : Nouvelle prudence.

    Ne pensons plus autant punir, blâmer et corriger ! Nous transformerons rarement un simple individu : et si nous devions y parvenir, peut être réussirions-nous à notre insu quelque chose d'autre : nous aurons été transformés par lui !

    Cherchons plutôt à faire en sorte que notre propre influence sur tout ce qui arrivera compense son influence et prévale sur elle !

    Ne menons pas un combat direct ! – ce à quoi revient tout blâme, toute punition, toute volonté de corriger. Au contraire, élevons-nous nous-mêmes d'autant plus haut !

    Donnons à notre modèle des couleurs toujours plus éclatantes ! Assombrissons autrui par notre lumière ! Non ! Nous ne voulons pas, à cause de lui, devenir nous-mêmes plus sombres, comme tous les punisseurs et les mécontents !

    Cheminons plutôt à l'écart ! Regardons ailleurs ! »

    (Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)

     

    « Ce n'est pas ta destinée d'être un chasse-mouches »

    dit Zarathoustra dans le même esprit.