« n°278 : La pensée de la mort.
Vivre au milieu de ce dédale de ruelles*, de besoins, de voix, suscite en moi un bonheur mélancolique : que de jouissance, d'impatience, de désir, que de vie assoiffée et d'ivresse de vivre se révèle ici à chaque instant ! Et pourtant tous ces êtres bruyants, vivants, assoiffés de vie plongeront bientôt dans un tel silence! (…)
C'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun à tous dans cet avenir ! Qu'il est étrange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient à mille lieues de se sentir comme une confrérie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensée de la mort !
J'aimerais contribuer en quelque manière à leur rendre la pensée de la vie encore cent fois plus digne d'être pensée. »
(Friedrich Nietzsche Le Gai Savoir Quatrième livre)
*à Gênes.
Dans ce texte, et particulièrement dans la dernière phrase, on peut pointer la conception messianique que Nietzsche a pu avoir de son travail philosophique.
Aider les hommes à échapper au pouvoir de la mort, de toutes les formes de mort, et leur faire aimer la vie. Rien que ça ? Ben oui.
Un travail philosophique avant tout entrepris pour son propre compte, pour son propre salut. Et qu'il poursuivra, après le Gai Savoir, avec son Zarathoustra.
« Salut à toi ma volonté ! Et là seulement où sont des tombes, il y a des résurrections. Ainsi chantait Zarathoustra. »
(Le chant de la tombe)