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Le blog d'Ariane Beth - Page 432

  • "Je ne le suis pas"

    «« Comme substitut à l'envie de pénis, identification avec le clitoris, la plus belle expression de l'infériorité, source de toutes les inhibitions.

    - Avoir et être chez l'enfant. L'enfant aime bien exprimer la relation d'objet par l'identification : je suis l'objet. L'avoir est la relation ultérieure, retombe dans l'être après la perte d'objet. Modèle : sein. Le sein est un morceau de moi, je suis le sein. Plus tard seulement : je l'ai, c'est à dire je ne le suis pas... »

    (Résultats Idées Problèmes 12-7 1938)

     

    Allez, malgré mon déficit éthique proprement féminin, l'honnêteté m'oblige à replacer la phrase précédente dans son contexte, une réflexion dont elle ne constitue que le point de départ. La question porte sur le processus-même de l'identification. Le mouvement qui nous fait nous identifier, vouloir ou penser être (comme) quelque chose ou quelqu'un, Freud le définit dans l'alternative logique être/avoir. Mais ce binôme banal ne s'y présente pas tout à fait comme on y est habitué.

     

    La plupart du temps en effet il est admis qu'être c'est mieux qu'avoir. Plus « vrai », plus « essentiel ». Avoir porte en filigrane la figure de l'avaricieux qui capitalise, ou du vaniteux qui frime en exhibant ce qu'il a, voire qu'il en a. Être impliquerait de se détacher du désir d'emprise, de cultiver des valeurs intérieures, personnelles, spirituelles. On a des choses inessentielles, on est essentiellement soi. Or ici, non.

     

    Être (vraiment soi) passe bel et bien par avoir. Car avoir est une des façons d'appréhender qu'il y a de l'autre que soi. Mais ceci seulement après avoir été (et tété le plus souvent) une première chose-autre, qu'on croyait soi mais qui l'était pas. Enfantin, non ? De ce point de vue, avoir est un progrès par rapport à être, par rapport à la façon d'être du premier temps.

    Autrement dit le sujet n'est jamais là d'emblée, il n'existe qu'en s'extirpant d'un « tout » indifférencié. Le sujet est de mode relatif et de second temps. Personne ne porte le dossard n°1.

     

    « - C'est quoi encore cette métaphore pourrie, de la démagogie envers tes lecteurs masculins ? Bel exemple d'aliénation. Reprends-toi ma fille !

    - Euh oui Maman Simone vous avez raison. Et si je dis : il n'y a pas de 1er temps dans cette triade hégélienne, ça passe mieux ?

    - Ah non Hegel ça me file la nausée … Tu peux dire bien des choses en somme, par exemple tiens : l'existence précède l'essence. Et là tout le monde comprend fais-moi confiance.

    - Oui. Bon. Mais la citation de Freud il faut encore creuser un peu, non ?

    - Tu le fais la prochaine fois. Laisse-leur le temps de souffler.

    - OK. Je siffle la fin de la première mi-temps … Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ? »

     

  • "La plus belle expression de l'infériorité"

    « Comme substitut à l'envie de pénis, identification avec le clitoris, la plus belle expression de l'infériorité, source de toutes les inhibitions. »

    (Résultats Idées Problèmes 12-7 1938)

     

    « Expression de l'infériorité » : chiche ! Une inférieure s'exprime ici même, Monsieur Freud. Une inhibée de source sûre. Et vous savez ce qu'elle vous dit ? Non pas d'inquiétude, lecteur, tout ceci va rester très courtois, je sais me tenir, le surmoi n'est pas fait pour les chiens. Bien que le nôtre soit plus faiblard paraît-il les filles. La preuve : meurtres, tortures, viols et violences en tous genres sont massivement le fait des femmes c'est bien connu.

     

    Mais revenons à infériorité. Qu'est-ce à dire ? Qu'est-ce qui est inférieur au juste dans cette histoire ?

    1 Le clitoris soi-même ? Un machin qui serait un pénis de pauvre pour sexe faible ? Atrophié, stoppé dans son développement, inhibé en un sens donc inhibant CQFD ? Tu déconnes, là, Sigmund ?

     

    2 La femme ? Qui serait inférieure le plus « naturellement » du monde, pauvre petite chose, car porteuse d'un clitoris non moins petite chose ? Une infériorité ontologico-biologique : élémentaire, Dr Freud ?

     

    3 L'identification au clitoris ? Qui serait l'expression d'une infériorité quasi éthique. Ces bonnes femmes c'est tricheuses et compagnie. Elles investissent dans le clitoris comme substitut à l'envie de pénis. Comme se rabattre sur la contrefaçon parce qu'elles n'ont pas les moyens de se payer de la marque. Parce qu'elles ne « le » valent pas : le phallus, what else ?

     

    Bref le plus clair résultat d'idées de ce genre c'est de poser des problèmes inutiles. Mon cher Sigmund on dirait que vous prenez un malin plaisir à chercher les embrouilles. A moins que ce ne soit de l'humour ? Un private joke dans ces notes entre vous et vous ? Un petit moment d'autocaricature, style « je me les sers moi-même avec assez de verve » ?

     

    Quoi qu'il en soit, à une énormité d'aussi belle taille, façon c'est un roc un pic un cap et ce qui s'ensuit, comment réagir autrement que par un éclat de rire ?

     

    Eh oui c'est comme ça, Papa Sigmund, une femme est ou bien hystérique ou bien fofolle. Ou les deux.

     

     

  • Neurotic park

    « Avec le névrosé on est comme dans un paysage préhistorique, par exemple au jurassique. Les grands sauriens s'ébattent encore, et les prêles sont hautes comme des palmiers (?). »

    (Résultats, idées, problèmes. 12-7 1938)

     

    Le point d'interrogation est de Freud. Trace d'un doute. Sur quoi ? Le fait qu'il y ait des prêles au jurassique ? Ou des palmiers ? Pour moi ce point d'interrogation signifie « je m'étonnerai toujours : où vais-je chercher tout ça ? ». Mais dans votre ça, Papa Sigmund, où voulez-vous donc ? Car le ça, vous nous l'avez assez seriné, c'est comme à la Samaritaine on y trouve tout. Chacun y cherche son chat ou quoi que ce soit. Alors des dinosaures pourquoi pas ?

    En tous cas quelle image ! Est-elle auparavant dans un autre écrit, je ne crois pas. C'est le côté condensation, noté vite fait, de Résidépro qui a pu induire cette cristallisation métaphorique spectaculaire. Cinématographique disons même, pour notre imaginaire post-spielbergien. Freud met sous nos yeux avec ce paysage jurassique une idée maintes fois formulée, assénée (dirait certain) : la névrose puise son ressort et son mécanisme dans notre vie psychique archaïque. Et plus encore maintient toute la vie ce fonctionnement archaïque comme à l'état naissant : les grands sauriens s'ébattent encore.

     

    Figuration de la pensée ou du mot convertis en images : fait du rêve ou du délire. Et d'ailleurs dans le rêve chacun se fait psychopathe, hallucinant sa pensée et son désir, dans l'ignorance ou le rejet des médiations temporelles et logiques, sans repères moraux et sociaux.

    Il y retrouve son comportement de bébé, de petit humain dans la préhistoire de sa vie, qui ne distingue pas son moi et ses émois du monde et de ses lois.

    Pour lui à son échelle, les formes floues des adultes qui se meuvent autour de lui, oui ça ressemble à des dinosaures. Plus exactement il reconstruit rétrospectivement la ressemblance quand, petit enfant, il a sous les yeux un livre, un docu à la télé, un film d'animation. Ambivalence logique donc, de l'enfant envers les dinosaures, mi-doudous mi-monstres, si semblables aux figures parentales, grands sauriens des temps archaïques qui s'ébattaient entre eux de manière incompréhensible, dont il attendait protection, redoutait l'abandon, dans sa Hilflösigkeit (en manque d'aide) fondamentale.

    Un sentiment proche nous atteint à l'autre bout d'une vie : menace de forces obscures et impensables, ombres floues aux abords du dernier passage. Quoi d'étonnant alors que le vieux Freud, dans son génie névrotique – sa névrose de génie - en fantasme l'illustration à partir de son regard de bébé, jamais perdu bien que refoulé ?

    Sauf que, parions-le, bébé Sigmund se souciait peu de la différence d'échelle entre la prêle et le palmier, jusqu'à ce que Monsieur Freud se préoccupe de soulever cette question et les préoccupations phalliques associées.