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Blog - Page 143

  • Comme à l'enfance

    « Je marquais autrefois les jours pesants et ténébreux comme extraordinaires ; ceux-là sont tantôt les miens ordinaires ; les extraordinaires sont les beaux et sereins.

    Je m'en vais au train de tressaillir comme d'une nouvelle faveur quand aucune chose ne me deult.(1) Que je me chatouille, je ne puis tantôt plus arracher un pauvre rire de ce méchant corps.(...)

    C'est grand simplesse(2) d'allonger et anticiper, comme chacun fait, les incommodités humaines : j'aime mieux être moins longtemps vieil que d'être vieil avant que de l'être.

    Jusques aux moindres occasions de plaisir que je puis rencontrer, je les empoigne. (…) La volupté est qualité peu ambitieuse.(...)

    Je ne puis moins, en faveur de cette chétive condition où mon âge me pousse, que de lui fournir de jouets et d'amusoires,(3) comme à l'enfance : aussi y retombons-nous. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 5 Sur des vers de Virgile)

     

    (1)Ne me fait mal (verbe douloir).

    (2)Bêtise, idiotie, stupidité.

    (3)Lui fournir de jouets et d'amusoires : le fournir en jouets et amusements.

     

    Rien à ajouter.

     

  • Le plaisir, le jeu et le passetemps

    « Si quelqu'un me dit que c'est avilir les muses de s'en servir seulement de jouet et de passetemps, il ne sait pas, comme moi, combien vaut le plaisir, le jeu, et le passetemps. À peine que je ne die(1) tout autre fin être ridicule.

    Je vis du jour à la journée ; et, parlant en révérence, ne vis que pour moi : mes desseins se terminent là.

    J'étudiai, jeune, pour l'ostentation ; depuis, un peu, pour m'assagir ; à cette heure, pour m'ébattre ; jamais pour le quest.(2)»

    (Montaigne Essais livre III chapitre 3 De trois commerces)

     

    (1)Pour un peu je dirais.

    (2)Pour la recherche d'un savoir (qui peut dans certains cas être monnayé en un bénéfice plus sonnant et trébuchant).

     

    Les trois commerces (relations) dont il s'agit dans ce chapitre sont l'amitié, l'amour et la lecture. Sur ce dernier point il vient d'expliquer qu'il ne lit en fait qu'en dilettante.

    Les livres donnent commerce avec les muses, patronnes des arts et des sciences, choses sérieuses et de conséquence. Lui, il assume de ne fréquenter ces dames que pour le plaisir. D'en faire des camarades de jeu plutôt que des enseignantes.

    Or voilà : ce comportement, loin qu'il soit insultant pour les muses, un abaissement (avilir), il en fait un hommage. Le vrai sérieux se moque du sérieux

     

  • Platon ne me plaît pas

    « Le conseil de Platon ne me plaît pas, de parler toujours d'un langage maistral(1) à ses serviteurs, sans jeu, sans familiarité, soit envers les mâles, soit envers les femelles.

    Car, outre ma raison, il est inhumain et injuste de faire valoir telle quelle cette prérogative de la fortune(2) ; et les polices(3) où il se souffre le moins de disparité entre les valets et les maîtres, me semblent les plus équitables. »

    (Montaigne Essais livre III chapitre 3 De trois commerces)

     

    (1)De maître.

    (2)Le hasard qui l'a fait naître plutôt dans le haut de la hiérarchie sociale (et en plus relativement fortuné).

    (3)Les modes d'organisation de la société.

     

    Les termes mâles, femelles, rabaissent les serviteurs (les esclaves en fait) au rang d'animaux. Voilà des mots qui ont bien mérité (et Platon avec eux) la cinglante réplique inhumain et injuste.