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Le blog d'Ariane Beth - Page 269

  • La vipère et le porc-épic

    Ce qu'on devait se détester dans l'obscurité et dans la pestilence des cavernes ! On comprend que les peintres qui y vivotaient n'aient pas voulu éterniser la figure de leurs semblables et qu'ils aient préféré celle des animaux.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Il y a des grottes (ou parois) où l'on peut voir des silhouettes humaines, ne lui déplaise. Ce n'est pas le plus fréquent certes, mais à cette rareté le tabou a sûrement plus de part que la misanthropie (sauf pour le sapiens cioranus son lointain ancêtre).

    Cependant je dois dire la promiscuité des cavernes j'y avais jamais pensé mais j'aurais pas trop aimé non plus. Déjà la plage bondée au mois d'août dans l'odeur des crèmes solaires c'est pas facile.

    Heureusement pour la survie de l'humanité, à l'époque ils devaient déjà pratiquer le modus vivendi décrit par Schopenhauer dans sa parabole des porcs-épics. (cf ce blog 29-12-2016)

    D'où la question : pourquoi pas plus de dessins de porcs-épics dans les cavernes ?

     

    Concevoir l'acte de pensée comme un bain de venin, comme un passe-temps de vipère élégiaque.

    J'ai emprunté ce livre à la bibliothèque. Comme souvent, j'ai trouvé un intérêt anthropologique à observer les surlignages et soulignements, parfois les commentaires des lecteurs précédents.

    (Tout en déplorant leur sans-gêne et manque de respect des biens collectifs) (le genre à ne pas ramasser les crottes de leur chien, à jeter leur mégot n'importe où au lieu d'attendre la prochaine poubelle)

    (je reconnais que parfois faut garder le mégot longtemps) (zut j'ai oublié d'en parler dans le cahier de doléances) (monsieur mon maire si tu me lis).

    Bref tout ça pour dire que les soulignements m'ont donné confirmation que Cioran attire la sympathie plutôt des aigris grincheux fielleux.

    (Quoi moi ? Je le lis par curiosité, par intérêt quasi entomologiste)

    (mais je vois pas pourquoi je me sens obligée de me justifier).

    Cela dit ce côté venimeux de l'acte de pensée se rencontre parfois chez Schopenhauer et même Nietzsche. Pourquoi avec eux ça passe mieux ?

    (Peut être parce qu'ils n'en restent pas à la négativité et savent proposer, eux).

    Bon : vipère élégiaque faut avouer que c'est très joli.

     

     

     

     

     

  • Compagnonnages

    Si je me suis toujours méfié de Freud, c'est mon père qui en porte la responsabilité : il racontait ses rêves à ma mère, et me gâchait ainsi toutes mes matinées.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     Woodyallenien, non ?

     

    Je décèle immanquablement une faille chez tous ceux qui s'intéressent aux mêmes choses que moi …

    Là c'est Groucho Marx avec son célèbre Jamais je ne voudrais faire partie d'un club qui m'accepterait pour membre.

    Quoique. Il se peut que la faille soit ce qui aille à Cioran.

    Pour ma part je parie qu'il ne raterait pour rien au monde sa réunion des Misanthropes Non Anonymes, où il se tape trop l'éclate avec Schopenhauer, Kierkegaard et les autres.

     

    « Je suis lâche, je ne puis supporter la souffrance d'être heureux. »

    Pour pénétrer quelqu'un, pour le connaître vraiment, il me suffit de voir comment il réagit à cet aveu de Keats. S'il ne comprend pas tout de suite, inutile de continuer.

     

    Décidément je vais postuler au club, ça fait trop envie.

     

     

     

     

     

     

  • Ukase et Karénine

    On connaît l'ukase de Claudel : « Je suis pour tous les Jupiter contre tous les Prométhée. »

    On a beau avoir perdu toute illusion sur la révolte, une telle énormité réveille le terroriste en vous.

    Cioran (Aveux et anathèmes)

     

    Ukase : alors là bravo, je cherchais le mot. Ça dit bien ce truc qui agace tellement dans le style claudélien.

    Sur le fond, je trouve juste la déclaration idiote. Qu'est-ce que Jupiter sinon un Prométhée qui a réussi ?

    Perso je voterais plutôt Sisyphe.

     

    Il est plus facile d'imiter Jupiter que Lao-tseu.

    Très juste. C'est plus facile parce que

    Notre zèle fait merveille, quand il va secondant notre pente vers la haine, la cruauté, l'ambition, l'avarice, la trahison, la rébellion. À contrepoil vers la bénignité, la modération, il ne va ni de pied ni d'aile. (Montaigne. Essais II,12)

    (Au passage, on dirait qu'il fait le lien entre l'ambition de Jupiter et la rébellion de Prométhée, non?)

    Mais en fait est-ce question de facilité ou radicalement de possibilité ? 

    Facilement ou pas, Jupiter est imitable, car le pouvoir a ses recettes, il est reproductible. Mais imiter Lao-tseu ? Il n'y pas de recettes de sagesse (quoi qu'en disent les gourous qui en font leur buseness), un(e) sage est inimitable.

    Tous les non-sages se ressemblent, les sages le sont chacun(e) à leur façon.